Photomaton de Rabah Naït Oufella adolescent, provenant de ses archives personnelles
Rencontre avec un acteur engagé au parcours inspirant
Propos recueillis par Zoé Lambert
Un petit café à Jourdain dans les hauteurs de Belleville à Paris, en compagnie de Rabah Naït Oufella. L’acteur arrive, détendu, son vieux chien au bout d'une laisse. Il sourit, serre quelques mains et claque quelques bises avant de s’installer.À seulement 32 ans, Rabah Naït Oufella, comédien d’origine kabyle, affiche déjà 18 ans de carrière ! Devenu l’une des figures montantes du cinéma français, il enchaîne les projets avec des choix audacieux, hors des sentiers battus.
Un destin lié au cinéma
Rabah a été découvert à 14 ans en 2007 au collège Françoise Dolto à Paris 20e, par le réalisateur Laurent Cantet, afin d’incarner l’un des élèves de “Entre Les Murs“. Ce film façon documentaire retentissant – que nous te recommandons chaudement – sort en 2008. Avec un micro-budget et sans aucun comédien bankable à l’affiche, il remporte la prestigieuse Palme d’Or lors du Festival de Cannes la même année.
Un parcours loin des clichés
Dès lors, la filmographie de Rabah s’envole. Il multiplie les rôles, les films d’auteur et les projets engagés. Ses choix reflètent des univers personnels loin des standards, qui en disent long sur sa lucidité, et sur l’orientation qu’il privilégie pour sa carrière.
Depuis ELM en 2008, il a joué dans une vingtaine de longs métrages (résolument inattendu par exemple, le teenmovie d’horreur “Grave” de Julia Ducournau en 2016, qui fut sélectionné à la Semaine de la Critique et lauréat du Prix FIPRESCI de la critique internationale, ou dans le 1er film de Grand Corps Malade et Mehdi Idir “Patients” en 2017, dans “Ibrahim”, de Samir Guesmi, sélectionné par le Festival de Cannes et Grand Prix du Jury au Festival Premiers Plans d’Angers en 2020, ou encore dans “Arthur Rambo” en 2021 de Laurent Cantet qu’il retrouve 13 ans après, film présenté aux festivals de Toronto et de San Sebastián.)
Il participe également à des courts métrages, et depuis 2012 on peut le voir dans des séries TV, dont BRI sur Canal+ en 2023, qui cartonne tellement, qu’une saison 2 s’est imposée (diffusée début 2026).

Prochainement à l’affiche :
- Le Gang des Amazones de Mélissa Drigeard. Au début des années 90, l’histoire vraie de cinq copines en galère, qui réussissent 7 braquages de banques déguisées en homme. Surnommées ” Le Gang des Amazones”, elles alimentent les chroniques, et se font attraper lors de leur 8e embuscade.
Avec Lyna Khoudri, Mallory Wanecque, Laura Felpin, Izia Higelin et Kenza Fortas, sortie le 12 novembre. -
La saison 2 de “BRI”, la série phénomène de Canal+. Deux ans après le carton de la saison 1, parce que Rabah y campe une fois de plus magnifiquement son rôle et qu’il est très bien entouré, on te recommande évidemment cette deuxième saison de 8 épisodes.
Avec Sofian Khammes, Ophélie Bau, Théo Christine, Rabah Naït Oufella, Waël Sersoub, Léa Catania, Nina Meurisse, Vincent Perez et Emmanuelle Devos, diffusion prévue début 2026.
Rencontre avec le cinéma
Pour L'Impertinent, Rabah a accepté de revenir sur son adolescence, son rapport à la notoriété, ses doutes, entre rap, cuisine, famille et cinéma, avec un naturel qui fait du bien. Découvre son parcours hors norme: loin des nepo babies qui se multiplient (ces enfants de stars qui deviennent comédiens), Rabah se construit solidement une place bien méritée dans le cinéma.
Peux-tu revenir sur tes débuts ? Ta rencontre avec Laurent Cantet notamment ?
La rencontre s’est faite très naturellement, on ne mesurait pas du tout l’ampleur que ce film allait prendre. Et pour tout avouer, je n’avais même pas complètement capté que ce qui était filmé allait passer au cinéma et devenir un vrai film sur écran géant.
D’ailleurs, sûrement du fait de ne pas nous rendre compte, tout a été abordé sans pression, avec beaucoup de plaisir, on avait l’impression d’être en colonie de vacances. On se connaissait tous. En effet, tous les élèves du film avaient été castés à Francoise Dolto, mon collège, nous venions de participer à des ateliers théâtre mis en place par Laurent Cantet (réalisateur) et François Bégaudeau (auteur du livre dont s’est inspiré le film), en ignorant qu’ils serviraient à sélectionner les futurs comédiens de leur projet.
Ensuite, au niveau de la direction d’acteurs, l’essentiel était de l’improvisation, il nous filmait parfois à notre insu par exemple. C’est un format particulier qui ne donnait pas l’impression de jouer.
Tu te rappelles de ta toute première audition ?
La toute 1ère, c’était ces fameux ateliers théâtre de Laurent Cantet à Dolto. Pour moi, ce n’était pas une audition, cela restait un atelier. Je pense d’ailleurs que cette feinte d’avoir organisé ces ateliers pour nous mettre en pratique et nous “dénicher”, m’a beaucoup aidé pour le reste de ma carrière, car j’ai mis le pied à l’étrier de manière très naturelle, sans stress et sans mesurer les enjeux.
Cette distance avec la pratique est un mécanisme qui se répète : j’aborde mes castings de la même façon, très zen, en me disant “vas-y, ça va être trop bien, amuse-toi et si tu décroches le rôle c’est magnifique, si tu ne l’as pas, l’expérience est vraiment bonne à prendre .”
Et ta première scène de tournage ?
Avant cette aventure de dingue, j’étais passionné par le rap, j’enregistrais des morceaux chez moi, j’avais fait tout une installation avec des micros, un ordinateur pour enregistrer mon 1er morceau de rap, j’étais à fond sur les enregistrements audios. Là ou je veux en venir, c’est que la 1ere fois que je suis arrivé sur le plateau de tournage, ce qui m’intéressait par dessus tout était le son, les prises de son, le matériel. D’ailleurs, à la fin du tournage, vu que nous étions plusieurs dans le lot de comédiens, à rapper, Cantet et l’ingénieur du son nous ont offert une séance d’enregistrement dans une pièce aménagée, avec du pur matériel de cinema, c’était un vrai cadeau!
Comment as tu vécu ce succès? Palme d’or, Cannes…
Par chance, encore je l’ai vécu de manière très posée. Déjà nous avons été très bien accompagnés par Cantet. Là ou d’autres réalisateurs ou producteurs auraient pu dire à leurs comédiens “Regardez, on a gagné la Palme d’Or, tout le monde va nous appeler, on est les meilleurs”, Laurent Cantet a fait l’inverse : un jour de folie, alors que dehors, une foule de journalistes essayait de rentrer dans le collège pour nous prendre en photo, ou obtenir une interview, il nous a rassemblés en salle de permanence et nous a parlé pendant plus d’une demie heure, en nous expliquant “voila, ce qui se passe actuellement, profitez-en, mais sachez que dans un mois, tout le monde vous aura oubliés, vous tomberez aux oubliettes, aucun de vous ici ne va devenir une star, donc calmez-vous, vivez cette expérience à fond mais n’en attendez rien”.
Après "Entre Les Murs", entre 16 et 20 ans, ta filmographie est vierge, durant ce temps que faisais tu?
Comme dit tout à l’heure, ma 1ère passion étant le rap, j’y suis revenu, j’ai travaillé. Au bout d’un moment, j’ai même commencé à croiser des gens incroyables dans la musique, à rencontrer mes idoles, comme la Scred Connection, Kery James, La Fouine, ou Mister You. J’avais des propositions sérieuses, j’étais reconnu dans la rue et par mes pairs, mes rap s’écoutaient. Etrangement, ca a déclenché une sorte de peur inattendue : je me suis demandé si je voulais faire ça toute ma vie, être rappeur, et la réponse était non.
Côté scolarité, j’ai été mal orienté après le collège, j’ai vite arrêté après quelques mois dans un lycée ensuite j’ai fait un CAP de cuisine, ce à quoi je me destinais à la base. Si je veux travailler en restauration demain, au moins je sais faire ! J’ai d’ailleurs travaillé en cuisine pendant quelques temps, j’ai effectué d’autres jobs, chauffeur VTC notamment.
Je n’étais véritablement pas certain de devenir acteur à ce moment. Mais l’envie était née. J’avais imaginé que cela allait durer une courte période, puis à un moment, je me suis dit “bon, je vais peut être commencer à dire que c’est mon métier ” mais cela m’a pris énormément de temps de me l’avouer, d’admettre que comédien était bien mon métier..
D’un autre côté, nous sommes nombreux à être acteurs, ou à prétendre l’être, mais qu’est ce qu’être comédien ? Est-ce vivre de sa passion ? Être passionné de cinéma ? Cela veut-il dire que tu dévoues ta vie à ce métier ? Que tu mets tout en œuvre pour pouvoir tourner ou jouer ? Est-ce de pouvoir en vivre ? C’est hyper large d’être acteur en réalité. D’où ma difficulté encore parfois, à me présenter comme tel.
Être exposé jeune n’est pas simple, comment as-tu vécu cette visibilité soudaine ? Quel est ton rapport à l'image et à la notoriété ?
J’ai commencé à me questionner assez jeune sur le fait d’être exposé, j’avais le sentiment que la notoriété était à la fois irréversible comme elle pouvait être éphémère. Bizarrement, j’étais plus effrayé par ce premier aspect que le second.
Ce qui me fait peur c’est de me dire que certes, aujourd’hui je suis acteur, on me connaît, on me reconnaît mais à côté de ça, si j’arrête le cinéma, les gens continueront à me demander des photos : je resterais sûrement “Rabah celui qui tourne dans des films” je crois.
Pour être plus clair, je choisis volontairement un exemple énorme : si Al Pacino décidait d’arrêter le cinéma pour devenir menuiser, il pourrait le faire. Il n’en demeurerait pas moins, que Al Pacino recevant dans son atelier pour la fabrication d’un meuble, ça paraitrait surréaliste, ce serait toujours se trouver face à Al Pacino l’immense star, non? Mais Al Pacino qui fait des meubles, wow !
Penses-tu que l’on puisse rester mainstream en devenant acteur dès l'adolescence ?
À mon avis, ado ou pas, bien sûr que l’on peut se comporter comme tout le monde, mais arrivé à un certain niveau de notoriété, il se peut que cela devienne un exercice. Il faut savoir que certaines personnes ayant de la notoriété peuvent avoir des comportements étranges autant que les gens lambda, peuvent se comporter parfois de manière étrange avec les gens connus.
J’ai pu le voir très tôt, dès mes 17 ans. Je savais à quoi je ressemblais, quelle image je renvoyais, celle d’un rebeu des milieux populaires. Et lorsque j’étais invité à des soirées un peu mondaines, il y a ceux qui me reconnaissaient, et ceux qui ne me connaissait pas et qui me toisait genre “que fait-il ici celui-là?” Figure-toi que je me suis déjà fait virer de soirées auxquelles j’étais invité.
As tu un exemple de comportement ou de situation étrange face à ta notoriété ?
Au festival de Cannes spécifiquement, une semaine avant le festival, je me faisais refouler de partout, puis une fois mon accréditation en poche, on me déroulait le tapis rouge. On ne se préoccupe pas de ce que peuvent être les gens mais plutôt de l’intérêt qu’ils peuvent rapporter à la société. J’ai du mal avec ces comportements biaisés face à la “starification”.
Le métier de comédien est un métier comme un autre, et j’ai énormément de mal avec les personnes qui te mettent sur un pied d’estale simplement parce que tu passes à la télé ou que tu es vu dans des films. Ce n’est pas un comportement que j’admire, ca ne reflète pas une bonne d’image d’elles.
Apres, j’ai vu des acteurs se comporter très mal, se croire tout permis, justement parce que les gens en face ont ces comportements mielleux et faux.
J’essaie de prendre mes distances, j’ai la chance d’être bien entouré, et cela m’aide à voir plus clair.
Ton rapport à tes amis, ta famille a-t-il changé?
Je n’ai pas ce sentiment non, concernant ma famille qui n’est pas un choix, j’ai eu la chance d’être très bien tombé, très bien entouré. En revanche, j’ai choisi mes amis, ils étaient là avant ce phénomène et ce sont les mêmes amis aujourd’hui .
J’ai gardé mon cercle, évidemment la vie fait que tu perds certains potes, il y en a moins.
Globalement, j’ai du mal à me faire de nouveaux amis d’ailleurs, je fais beaucoup de rencontres bien sur, mais des amis, je n’en ai pas 1 milliard, j’ai l’impression d’avoir autour de moi une base assez solide.
Puis je ne suis pas entré dans un mécanisme de star système de toute façon, les réalisateurs avec qui je travaille ne collent pas avec cette mécanique, cela permet de ne pas oublier qui je suis.
En vieillissant, j’accorde moins d’importance à tout ça: à l’endroit ou plus jeune j’avais ce besoin d’être entouré de mes potes, aujourdhui c’est plutôt l’inverse, j’aspire à être tranquille, me retrouver.
Évidemment, c’est facile de tomber dans l’écueil de s’entourer de personnes qui ne sont avec toi que pour ce qui brille, cela doit être complexe à gérer, c’est ultra superficiel et super triste.

Et ton rapport à l'argent?
Je n’ai jamais gagné des millions (rires). Déjà quand tu es un acteur de ma catégorie (films d’auteur), tu ne fais pas ce métier pour l’argent et tu ne fais pas beaucoup d’argent. Et ce n’est pas tant d’en gagner beaucoup qui pourrait être un problème, c’est surtout de gagner de grosses sommes d’un coup.
Clairement, pour moi en tous cas et je ne pense pas être le seul, c’est la gestion de cet argent perçu soudainement et irrégulièrement qui reste un exercice difficile.
Quand tu es acteur, tu gagnes ton cachet et le reste du temps, si tu n’es pas en tournage, et si tu ne fais rien : bah tu le dépenses ! Et là, c’est délicat. Savoir gérer l’argent n’est pas donné à tout le monde. Franchement, je ne suis pas ceinture noire de gestion de porte-monnaie…
Aussi, si on calcule, sur deux ou trois ans, je ne gagne peut-être pas plus qu’un autre. Il faut savoir qu’il y a de grandes périodes ou rien ne tombe.
Vous n'avez personne pour vous apprendre cette gestion des finances ? Ton agent ?
Mon 1er agent, Gérald Benaim, était un agent pour enfants et adolescents, j’en ai donc changé à ma majorité et c’est toujours le même aujourdhui ;
mais non, les agents ne t’apprennent pas à appréhender ou gérer l’aspect financier particulier de ce métier. Quand tu perçois tes premiers cachets, débrouille-toi ! Quand on y connait rien, qu’on ne vient pas du milieu du cinéma, on devrait être alerté, conseillé, coaché sur la gestion de cet argent. D’ailleurs, si mon agent me lit, Nadié, sache que cette option serait une bonne valeur ajoutée à proposer à ceux qui le demandent (rires).
Penses-tu que cette période t’ait forgé?
Évidemment, c’est un tournant de la vie. J’étais jeune, en construction, période où tu t’affirmes, tu apprends à te connaître, tu prends de la confiance. Donc découvrir la vie et le passage vers l’âge adulte avec ce prisme de la notoriété et en démarrant un métier envié que beaucoup rêvent de faire, cela peut immanquablement troubler l’esprit, même le plus sensé .
Quand tu es censé être au lycée comme tout le monde, moi dans le bus, on vient me parler parce qu’on m’a vu au cinéma, tu arrives dans un nouveau lycée et beaucoup parlent de toi, te reconnaissent .
Me concernant, ces expériences, ces relations, ces échanges avec le monde du cinéma, m’ont ouvert l’esprit, enrichit, et donné une certaine aisance avec les adultes venant même d’un autre monde. Par exemple, je crois aujourd’hui être en mesure de m’adapter aux gens, quelque soit leur milieu.
On a compris que Laurent Cantet est un réalisateur important pour toi, celui qui t'a révélé, avec qui tu as travaillé deux fois. Il est décédé en avril 2024. Que t’a-t-il transmis ? Te conseillait-il sur tes choix de films ?
On discutait de mes choix de films en effet, il m’a exprimé qu’il était très fier de moi c’était énorme. Il me disait ” ça c’est bien, ça c’est de la merde ” et c’est ce que j’adorais entre autres chez lui. C’est lui qui m’a permis d’approcher ce métier, j’ai une reconnaissance éternelle envers lui. Il m’a appris à expérimenter ces expériences dans le cinéma pour les bonnes raisons, avec le cœur. C’était un réalisateur reconnu dans le monde entier pour son travail, par les plus grands, et c’est la personne, le réalisateur le plus humble que j’ai pu croiser jusqu’à présent. Comme pour ma famille que je n’ai pas choisie, je n’ai pas non plus choisi mon premier film et là encore, je suis très bien tombé. J’espère qu’il m’aura transmis un peu de son humilité…
Comment as tu appris à choisir tes films, tes directions ?
Franchement que ce n’est pas moi qui suis allé vers le cinéma d’auteur, c’est lui qui m’a adopté. Des réals comme Céline Sciamma, Bertrand Bonello, etc. sont venus à moi parce que je venais de Laurent Cantet, c’est évident.
L’un de mes luxes, comme je ne me destinais pas à être acteur, c’est que toute cette magie est bonus pour moi, je ne me suis jamais senti dans l’urgence de tourner, moi je suis cuisinier de base (rire), mes choix sont donc soit pesés, soit instinctifs mais jamais dictés par le besoin.
Te vois-tu redevenir cuisinier dans 10 ans ?
Oui, absolument. Pas forcément cuisinier, il ya tellement de choses à faire, à apprendre, à développer. On a qu’une vie, il ne faut pas hésiter à se diversifier, à se promener (quand on en a la possibilité évidemment), d’où cette réticence à m’enfermer dans la prison dorée de la notoriété.
Quel message ferais-tu passer à un·e jeune qui rêve de devenir comédien·ne ?
Faire ce métier pour les bonnes raisons, jouer par amour du jeu, pas pour devenir une star. Si on le fait juste pour briller c’est une mauvaise direction, et ça ne sera pas épanouissant. C’est aussi là que tu peux devenir une proie pour les tordus qui gravitent dans ce domaine. Il faut donc garder la tête sur les épaules.
Mais sinon je lui dirais fonce, fais tes expériences, casse toi la gueule, tombe, mets un pansement et recommence ! Et fais les choses pour être heureux.
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